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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/230

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La voici. Mon courroux redouble à cette approche,
Je vais de sa noirceur lui faire un vif reproche,
1275Pleinement la confondre, et vous porter après
Un cœur tout dégagé de ses trompeurs attraits.



Scène 3

Célimène, Alceste.


Alceste, à part.
Ô Ciel ! de mes transports puis-je être ici le maître ?


Célimène, à Alceste.
Ouais ! Quel est donc le trouble où je vous vois paraître ?

Et que me veulent dire, et ces soupirs poussés,
1280Et ces sombres regards que sur moi vous lancez ?

Alceste
Que toutes les horreurs dont une âme est capable

À vos déloyautés n’ont rien de comparable ;
Que le sort, les démons, et le ciel en courroux,
N’ont jamais rien produit de si méchant que vous.

Célimène
1285Voilà certainement des douceurs que j’admire.


Alceste
Ah ! ne plaisantez point, il n’est pas temps de rire.

Rougissez bien plutôt, vous en avez raison ;
Et j’ai de sûrs témoins de votre trahison.
Voilà ce que marquaient les troubles de mon âme ;
1290Ce n’était pas en vain que s’alarmait ma flamme ;
Par ces fréquents soupçons qu’on trouvait odieux,
Je cherchais le malheur qu’ont rencontré mes yeux :
Et, malgré tous vos soins et votre adresse à feindre,
Mon astre me disait ce que j’avais à craindre.
1295Mais ne présumez pas que, sans être vengé,
Je souffre le dépit de me voir outragé.
Je sais que sur les vœux on n’a point de puissance,
Que l’amour veut partout naître sans dépendance,
Que jamais par la force on n’entra dans un cœur,
1300Et que toute âme est libre à nommer son vainqueur.
Aussi ne trouverais-je aucun sujet de plainte,
Si pour moi votre bouche avait parlé sans feinte ;
Et, rejetant mes vœux dès le premier abord,
Mon cœur n’aurait eu droit de s’en prendre qu’au sort.
1305Mais d’un aveu trompeur voir ma flamme applaudie,