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Et que vous ferez grâce à ma témérité ;
Que vous m’excuserez, sur l’humaine faiblesse,
1010Des violents transports d’un amour qui vous blesse,
Et considérerez, en regardant votre air,
Que l’on n’est pas aveugle, et qu’un homme est de chair.

Elmire
D’autres prendraient cela d’autre façon peut-être ;

Mais ma discrétion se veut faire paraître.
1015Je ne redirai point l’affaire à mon époux ;
Mais je veux, en revanche, une chose de vous :
C’est de presser tout franc, et sans nulle chicane,
L’union de Valère avecque Mariane,
De renoncer vous-même à l’injuste pouvoir
1020Qui veut du bien d’un autre enrichir votre espoir ;
Et…



Scène 4

Elmire, Damis, Tartuffe.


Damis, sortant du cabinet où il s’était retiré.
Et… Non, Madame, non ; ceci doit se répandre.

J’étais en cet endroit, d’où j’ai pu tout entendre ;
Et la bonté du ciel m’y semble avoir conduit
Pour confondre l’orgueil d’un traître qui me nuit,
1025Pour m’ouvrir une voie à prendre la vengeance
De son hypocrisie et de son insolence,
À détromper mon père, et lui mettre en plein jour
L’âme d’un scélérat qui vous parle d’amour.

Elmire
Non, Damis, il suffit qu’il se rende plus sage,

1030Et tâche à mériter la grâce où je m’engage.
Puisque je l’ai promis, ne m’en dédites pas.
Ce n’est point mon humeur de faire des éclats ;
Une femme se rit de sottises pareilles,
Et jamais d’un mari n’en trouble les oreilles.

Damis
1035Vous avez vos raisons pour en user ainsi ;

Et pour faire autrement, j’ai les miennes aussi.
Le vouloir épargner est une raillerie ;
Et l’insolent orgueil de sa cagoterie
N’a triomphé que trop de mon juste courroux,
1040Et que trop excité de désordre chez nous.