Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/469

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Aux poètes assez de mal
De leur impertinence extrême,
D’avoir, par une injuste loi
Dont on veut maintenir l’usage,
À chaque dieu, dans son emploi,
Donné quelque allure en partage,
Et de me laisser à pied, moi,
Comme un messager de village ;
Moi qui suis, comme on sait, en terre et dans les cieux
Le fameux messager du souverain des dieux ;
Et qui, sans rien exagérer,
Par tous les emplois qu’il me donne,
Aurois besoin, plus que personne,
D’avoir de quoi me voiturer.

La Nuit.

Que voulez-vous faire à cela ?
Les poëtes font à leur guise.
Ce n’est pas la seule sottise
Qu’on voit faire à ces messieurs-là.
Mais contre eux toutefois votre âme à tort s’irrite,
Et vos ailes aux pieds sont un don de leurs soins.

Mercure.

Oui ; mais pour aller plus vite,
Est-ce qu’on s’en lasse moins ?

La Nuit.

Laissons cela, seigneur Mercure,
Et sachons ce dont il s’agit.

Mercure.

C’est Jupiter, comme je vous l’ai dit,
Qui de votre manteau veut la faveur obscure,
Pour certaine douce aventure
Qu’un nouvel amour lui fournit.
Ses pratiques, je crois, ne vous sont pas nouvelles[1] :
Bien souvent pour la terre il néglige les cieux ;
Et vous n’ignorez pas que ce maître des dieux
Aime à s’humaniser pour des beautés mortelles,
Et sait cent tours ingénieux
Pour mettre à bout les plus cruelles.
Des yeux d’Alcmène il a senti les coups ;

  1. Pratiques, intrigues, menées sourdes.