Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 2.djvu/496

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Au mystère nouveau que tu me viens conter
Est-il quelque ombre d’apparence ?

Sosie
Non : vous avez raison, et la chose à chacun
Hors de créance doit paraître.
C’est un fait à n’y rien connaître,
Un conte extravagant, ridicule, importun :
Cela choque le sens commun ;
Mais cela ne laisse pas d’être.

Amphitryon
Le moyen d’en rien croire, à moins qu’être insensé ?

Sosie
Je ne l’ai pas cru, moi, sans une peine extrême :
Je me suis d’être deux senti l’esprit blessé,
Et longtemps d’imposteur j’ai traité ce moi-même.
Mais à me reconnaître enfin il m’a forcé :
J’ai vu que c’était moi, sans aucun stratagème ;
Des pieds jusqu’à la tête, il est comme moi fait,
Beau, l’air noble, bien pris, les manières charmantes ;
Enfin deux gouttes de lait
Ne sont pas plus ressemblantes ;
Et n’était que ses mains sont un peu trop pesantes,
J’en serais fort satisfait.

Amphitryon
À quelle patience il faut que je m’exhorte !
Mais enfin n’es-tu pas entré dans la maison ?

Sosie
Bon, entré ! Hé ! de quelle sorte ?
Ai-je voulu jamais entendre de raison ?
Et ne me suis-je pas interdit notre porte ?

Amphitryon
Comment donc ?

Sosie
Comment donc ? Avec un bâton :
Dont mon dos sent encore une douleur très forte.

Amphitryon
On t’a battu ?

Sosie
On t’a battu ? Vraiment.

Amphitryon
On t’a battu ? Vraiment, Et qui ?

Sosie
On t’a battu ? Vraiment, Et qui ? Moi.

Amphitryon
On t’a battu ? Vraiment, Et qui ?