Est-il encore cheux toi tout nu, Piarrot ?
Nannain, ils l’avont r’habillé tout devant nous. Mon Guien, je n’en avais jamais vu s’habiller. Que d’histoires et d’engingorniaux[1] boutont ces messieux-là les courtisans ! Je me pardrais là-dedans, pour moi, et j’étais tout ébobi de voir ça. Quien, Charlotte, ils avont des cheveux qui ne tenont point à leu tête ; et ils boutont ça, après tout, comme un gros bonnet de filasse. Ils ant des chemises qui ant des manches où j’entrerions tout brandis, toi et moi. En glieu d’haut-de-chausse, ils portont un garde-robe[2] aussi large que d’ici à Pâques ; en glieu de pourpoint, de petites brassières, qui ne leu venont pas jusqu’au brichet[3] ; et en glieu de rabats, un grand mouchoir de cou à réziau, aveuc quatre grosses houpes de linge qui leu pendont sur l’estomaque. Ils avont itou d’autres petits rabats au bout des bras, et de grands entonnois de passement aux jambes ; et parmi tout ça, tant de rubans, tant de rubans, que c’est une vraie piquié. Ignia pas jusqu’aux souliers qui n’en soyont farcis tout depis un bout jusqu’à l’autre ; et ils sont faits d’une façon que je me romprais le cou aveuc.
Par ma fi, Piarrot, il faut que j’aille voir un peu ça.
Oh ! acoute un peu auparavant, Charlotte. J’ai queuque autre chose à te dire, moi.
Et bian ! dis, qu’est-ce que c’est ?
Vois-tu, Charlotte, il faut, comme dit l’autre, que je débonde mon cœur. Je t’aime, tu le sais bian, et je sommes pour être mariés ensemble ; mais, marguienne, je ne suis point satisfait de toi.
- ↑ Engingorniaux, parure, ornement de cou.
- ↑ Les villageoises portaient alors sur leur jupon une espèce de tablier appelé garde-robe. (Aimé Martin.)
- ↑ Le creux qui est au haut de l’estomac. Ce mot dérive de l’allemand brechen, rompre, couper.
(Ménage.)
en a eu pour son compte. La mine est une mesure qui contient la moitié d’un setier.