Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/123

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ÉRASTE.

Est-il possible que cinq ou six années m’aient ôté de votre mémoire, et que vous ne reconnoissiez pas le meilleur ami de toute la famille des Pourceaugnac ?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Pardonnez-moi. (Bas, à Sbrigani.) Ma foi, je ne sais qui il est.

ÉRASTE.

Il n’y a pas un Pourceaugnac à Limoges que je ne connoisse, depuis le plus grand jusques au plus petit ; je ne fréquentois qu’eux dans le temps que j’y étois, et j’avois l’honneur de vous voir presque tous les jours.

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

C’est moi qui l’ai reçu, monsieur.

ÉRASTE.

Vous ne vous remettez point mon visage ?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Si fait. (À Sbrigani.) Je ne le connois point.

ÉRASTE.

Vous ne vous ressouvenez pas que j’ai eu le bonheur de boire je ne sais combien de fois avec vous ?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Excusez-moi. (À Sbrigani.) Je ne sais ce que c’est.

ÉRASTE.

Comment appelez-vous ce traiteur de Limoges qui fait si bonne chère ?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Petit-Jean ?

ÉRASTE.

Le voilà. Nous allions le plus souvent ensemble chez lui nous réjouir. Comment est-ce que vous nommez à Limoges ce lieu où l’on se promène ?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Le cimetière des Arènes ?

ÉRASTE.

Justement. C’est où je passois de si douces heures à jouir de votre agréable conversation. Vous ne vous remettez pas tout cela ?

MONSIEUR DE POURCEAUGNAC.

Excusez-moi ; je me le remets. (À Sbrigani.) Diable emporte si je m’en souviens.