Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/202

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çà, Sostrate, les gens comme vous ont toujours les yeux pénétrants, et je pense qu’il ne doit y avoir guère de choses qui échappent aux vôtres. N’ont-ils pu découvrir, vos yeux, ce dont tout le monde est en peine, et ne vous ont-ils point donné quelques petites lumières du penchant de mon cœur ? Vous voyez les soins qu’on me rend, l’empressement qu’on me témoigne : quel est celui de ces deux Princes que vous croyez que je regarde d’un œil plus doux ?

SOSTRATE.

Les doutes que l’on forme sur ces sortes de choses ne sont réglés d’ordinaire que par les intérêts qu’on prend.

ÉRIPHILE.

Pour qui, Sostrate, pencheriez-vous des deux ? Quel est celui, dites-moi, que vous souhaiteriez que j’épousasse ?

SOSTRATE.

Ah ! Madame, ce ne seront pas mes souhaits, mais votre inclination qui décidera de la chose.

ÉRIPHILE.

Mais si je me conseillais à vous pour ce choix ?

SOSTRATE.

Si vous vous conseilliez à moi, je serais fort embarrassé.

ÉRIPHILE.

Vous ne pourriez pas dire qui des deux vous semble plus digne de cette préférence ?

SOSTRATE.

Si l’on s’en rapporte à mes yeux, il n’y aura personne qui soit digne de cet honneur. Tous les princes du monde seront trop peu de chose pour aspirer à vous ; les Dieux seuls y pourront prétendre, et vous ne souffrirez des hommes que l’encens et les sacrifices.

ÉRIPHILE.

Cela est obligeant, et vous êtes de mes amis. Mais je veux que vous me disiez pour qui des deux vous vous sentez plus d’inclination, quel est celui que vous mettez le plus au rang de vos amis.



Scène IV

CHORÈBE, SOSTRATE, ÉRIPHILE
CHORÈBE.

Madame, voilà la Princesse qui vient vous prendre ici, pour aller au bois de Diane.