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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/256

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LE BOURGEOIS GENTILHOMME.

MONSIEUR JOURDAIN.

Qu’est-ce que c’est que cette logique ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

C’est elle qui enseigne les trois opérations de l’esprit.

MONSIEUR JOURDAIN.

Qui sont-elles, ces trois opérations de l’esprit ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

La première, la seconde, et la troisième. La première est de bien concevoir, par le moyen des universaux ; la seconde, de bien juger, par le moyen des catégories ; et la troisième, de bien tirer une conséquence, par le moyen, des figures : Barbara, Celarent, Darii, Ferio, Baralipton[1].

MONSIEUR JOURDAIN.

Voilà des mots qui sont trop rébarbatifs. Cette logique-là ne me revient point. Apprenons autre chose qui soit plus joli[2].

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Voulez-vous apprendre la morale ?

MONSIEUR JOURDAIN.

La morale ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Oui.

MONSIEUR JOURDAIN.

Qu’est-ce qu’elle dit, cette morale ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Elle traite de la félicité, enseigne aux hommes à modérer leurs passions, et…

MONSIEUR JOURDAIN.

Non ; laissons cela. Je suis bilieux comme tous les diables, et il n’y a morale qui tienne : je me veux mettre en colère tout mon soûl, quand il m’en prend envie.

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

Est-ce la physique que vous voulez apprendre ?

MONSIEUR JOURDAIN.

Qu’est-ce qu’elle chante, cette physique ?

LE MAÎTRE DE PHILOSOPHIE.

La physique est celle qui explique les principes des choses

  1. Ces mots servoient à désigner dans les anciennes écoles les différents modes de syllogismes réguliers.
  2. Aristophane se moque comme Molière de l’enseignement de la philosophie ; mais dans le poëte grec la satire est injuste, parce qu’elle s’adresse à Socrate, tandis que dans le poëte français elle ne frappe que sur les pédants.