Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/284

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COVIELLE.

Ton pauvre Covielle, petite scélérate ! Allons, vite, ôte-toi de mes yeux, vilaine, et me laisse en repos.

NICOLE.

Quoi ! tu me viens aussi…

COVIELLE.

Ôte-toi de mes yeux, te dis-je, et ne me parle pas de ta vie.

NICOLE, à part.

Ouais ! Quelle mouche les a piqués tous deux ? Allons de cette belle histoire informer ma maîtresse[1].


Scène IX.

CLÉONTE, COVIELLE.
CLÉONTE.

Quoi ! traiter un amant de la sorte, et un amant le plus fidèle et le plus passionné de tous les amants !

COVIELLE.

C’est une chose épouvantable que ce qu’on nous a fait à tous deux.

CLÉONTE.

Je fais voir pour une personne toute l’ardeur et toute la tendresse qu’on peut imaginer ; je n’aime rien au monde qu’elle, et je n’ai qu’elle dans l’esprit ; elle fait tous mes soins, tous mes désirs, toute ma joie ; je ne parle que d’elle, je ne pense qu’à elle, je ne fais des songes que d’elle, je ne respire que par elle, mon cœur vit tout en elle ; et voilà de tant d’amitié la digne récompense ! Je suis deux jours sans la voir, qui sont pour moi deux siècles effroyables : je la rencontre par hasard ; mon cœur, à cette vue, se sent tout transporté, ma joie éclate sur mon visage, je vole avec ravissement vers elle, et l’infidèle détourne de moi ses regards, et passe brusquement, comme si de sa vie elle ne m’avoit vu !

COVIELLE.

Je dis les mêmes choses que vous.

  1. Ici, Molière se prépare à traiter, pour la troisième fois, une situation qu’on à déjà vue dans le Dépit amoureux et dans le Tartufe, celle de la brouillerie et du raccommodement des deux amants. La scène du Dépit amoureux est annoncée, amenée exactement comme celle-ci. Marinette, chargée d’un doux message pour Éraste, est reçue de même par le maître et par le valet ; et elle dit de même, dans son étonnement : Quelle mouchie le pique ? (Auger.)