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Les Fourberies de Scapin.

Argante, tout tremblant.

Scapin.

Scapin.

Plaît-il ?

Argante.

Je me résous à donner les deux cents pistoles.

Scapin.

J’en suis ravi, pour l’amour de vous.

Argante.

Allons le trouver ; je les ai sur moi.

Scapin.

Vous n’avez qu’à me les donner. Il ne faut pas pour votre honneur, que vous paroissiez là, après avoir passé ici pour autre que ce que vous êtes ; et, de plus, je craindrois qu’en vous faisant connoître, il n’allât s’aviser de vous demander davantage.

Argante.

Oui ; mais j’aurois été bien aise de voir comme je donne mon argent.

Scapin.

Est-ce que vous vous défiez de moi ?

Argante.

Non pas ; mais…

Scapin.

Parbleu ! monsieur, je suis un fourbe, ou je suis honnête homme ; c’est l’un des deux. Est-ce que je voudrois vous tromper, et que, dans tout ceci, j’ai d’autre intérêt que le vôtre et celui de mon maître, à qui vous voulez vous allier ? Si je vous suis suspect, je ne me mêle plus de rien, et vous n’avez qu’à chercher, dès cette heure qui accommodera vos affaires.

Argante.

Tiens donc.

Scapin.

Non, Monsieur, ne me confiez point votre argent. Je serai bien aise que vous vous serviez de quelque autre[1].

  1. On trouve dans Plaute une scène presque semblable à celle de Scapin. Molière lui a emprunté le refus si naturel et si adroit de Scapin ; mais il a eu soin de motiver ce refus par la défiance du vieillard, ce que n’avais pas fait le poëte latin.

    « Prends cet argent, Chrysale, et va le porter à mon fils. — Je ne le prendrai point, monsieur ; chargez un autre de cette commission ; je ne veux pas qu’on me