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LA COMTESSE D’ESCARBAGNAS

Jeannot.

Je l’aurois bien pris sans toi.

La Comtesse.

Ce qui me plaît de ce monsieur Tibaudier, c’est qu’il sait vivre avec les personnes de ma qualité, et qu’il est fort respectueux.


Scène XV.

Le Vicomte, La Comtesse, Julie, Criquet.
Le Vicomte.

Madame, je viens vous avertir que la comédie sera bientôt prête, et que, dans un quart d’heure, nous pouvons passer dans la salle.

La Comtesse.

Je ne veux point de cohue, au moins. (À Criquet.) Que l’on dise à mon suisse qu’il ne laisse entrer personne.

Le Vicomte.

En ce cas, madame, je vous déclare que je renonce à la comédie ; et je n’y saurois prendre de plaisir, lorsque la compagnie n’est pas nombreuse. Croyez-moi, si vous voulez vous bien divertir, qu’on dise à vos gens de laisser entrer toute la ville.

La Comtesse.

Laquais, un siége. (Au vicomte, après qu’il s’est assis.) Vous voilà venu à propos pour recevoir un petit sacrifice que je veux bien vous faire. Tenez, c’est un billet de monsieur Tibaudier qui m’envoie des poires. Je vous donne la liberté de le lire tout haut ; je ne l’ai point encore vu.

Le Vicomte, après avoir lu tout bas le billet.

Voici un billet du beau style, madame, et qui mérite d’être bien écouté. « Madame, je n’aurois pas pu vous faire le présent que je vous envoie, si je ne recueillois pas plus de fruit de mon jardin que j’en recueille de mon amour. »

La Comtesse.

Cela vous marque clairement qu’il ne se passe rien entre nous.

Le Vicomte.

« Les poires ne sont pas encore bien mûres ; mais elles en cadrent mieux avec la dureté de votre ame, qui, par ses continuels dédains, ne me promet pas poires molles.