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SCÈNE XVI.

Trouvez bon, madame, que sans m’engager dans une énumération de vos perfections et charmes, qui me jetteroit dans un progrès à l’infini, je conclue ce mot, en vous faisant considérer que je suis d’un aussi franc chrétien que les poires que je vous envoie, puisque je rends le bien pour le mal ; c’est-à-dire, madame, pour m’expliquer plus intelligiblement, puisque je vous présente des poires de bon-chrétien pour des poires d’angoisse, que vos cruautés me font avaler tous les jours.

Tibaudier, votre esclave indigne. »

Voilà, madame, un billet à garder.

La Comtesse.

Il y a peut-être quelque mot qui n’est pas de l’Académie mais j’y remarque un certain respect qui me plaît beaucoup.

Julie.

Vous avez raison, madame ; et, monsieur le vicomte dût-il s’en offenser, j’aimerois un homme qui m’écriroit comme cela.


Scène XVI.

Monsieur Tibaudier, Le Vicomte, La Comtesse, Julie, Criquet.
La Comtesse.

Approchez, Monsieur Tibaudier ; ne craignez point d’entrer. Votre billet a été bien reçu, aussi bien que vos poires ; et voilà madame qui parle pour vous contre votre rival.

Monsieur Tibaudier.

Je lui suis bien obligé, madame ; et si elle a jamais quelque procès en notre siége, elle verra que je n’oublierai pas l’honneur qu’elle me fait, de se rendre auprès de vos beautés l’avocat de ma flamme.

Julie.

Vous n’avez pas besoin d’avocat, monsieur, et votre cause est juste.

Monsieur Tibaudier.

Ce néanmoins, madame, bon droit a besoin d’aide : et j’ai sujet d’appréhender de me voir supplanté par un tel rival, et que madame ne soit circonvenue par la qualité de vicomte.

Le Vicomte.

J’espérois quelque chose, Monsieur Tibaudier, avant votre billet ; mais il me fait craindre pour mon amour.

iii.
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