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Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/685

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toinette.

Ne voyez-vous pas qu’il incommode l’autre, et lui dérobe sa nourriture ? Croyez-moi, faites-vous-le crever au plus tôt : vous en verrez plus clair de l’œil gauche.

argan.

Cela n’est pas pressé.

toinette.

Adieu. Je suis fâché de vous quitter sitôt ; mais il faut que je me trouve à une grande consultation qui doit se faire pour un homme qui mourut hier.

argan.

Pour un homme qui mourut hier ?

toinette.

Oui : pour aviser et voir ce qu’il auroit fallu lui faire pour le guérir. Jusqu’au revoir.

argan.

Vous savez que les malades ne reconduisent point.


Scène XV.

ARGAN, BÉRALDE.
béralde.

Voilà un médecin, vraiment, qui paroît fort habile !

argan.

Oui ; mais il va un peu bien vite.

béralde.

Tous les grands médecins sont comme cela.

argan.

Me couper un bras et me crever un œil, afin que l’autre se porte mieux ! J’aime bien mieux qu’il ne se porte pas si bien. La belle opération, de me rendre borgne et manchot !


Scène XVI.

ARGAN, BÉRALDE, TOINETTE.
toinette, feignant de parler à quelqu’un.

Allons, allons, je suis votre servante. Je n’ai pas envie de rire.

argan.

Qu’est ce que c’est ?

toinette.

Votre médecin, ma foi, qui me vouloit tâter le pouls.

argan.

Voyez un peu, à l’âge de quatre-vingt-dix ans !