Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/714

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Et des deux autres mène et régit les emplois.
Il nous enseigne à prendre une digne matière
Qui donne au feu du peintre une vaste carrière,
Et puisse recevoir tous les grands ornements
Qu’enfante un beau génie en ses accouchements,
Et dont la poésie et sa sœur la peinture,
Parant l’instruction de leur docte imposture,
Composent avec art ces attraits, ces douceurs,
Qui font à leurs leçons un passage en nos cœurs,
Et par qui, de tout temps, ces deux sœurs si pareilles
Charment, l’une les yeux, et l’autre les oreilles.
Mais il nous dit de fuir un discord apparent
Du lieu que l’on nous donne et du sujet qu’on prend ;
Et de ne point placer, dans un tombeau de fêtes,
Le ciel contre nos pieds, et l’enfer sur nos têtes.
Il nous apprend à faire, avec détachement,
De groupes contrastés un noble agencement,
Qui du champ du tableau fasse un juste partage,
En conservant les bords un peu légers d’ouvrage,
N’ayant nul embarras, nul fracas vicieux
Qui rompe ce repos, si fort ami des yeux ;
Mais où, sans se presser, le groupe se rassemble,
Et forme un doux concert, fasse un beau tout ensemble,
Où rien ne soit à l’œil mendié, ni redit,
Tout s’y voyant tiré d’un vaste fonds d’esprit,
Assaisonné du sel de nos grâces antiques,
Et non du fade goût des ornements gothiques,
Ces monstres odieux des siècles ignorants,
Que de la barbarie ont produits les torrents,
Quand leur cours, inondant presque toute la terre,
Fit à la politesse une mortelle guerre.
Et, de la grande Rome abattant les remparts,
Vint, avec son empire, étouffer les beaux-arts.
Il nous montre à poser avec noblesse et grâce
La première figure à la plus belle place,
Riche d’un agrément, d’un brillant de grandeur
Qui s’empare d’abord des yeux du spectateur ;
Prenant un soin exact que, dans tout son ouvrage,
Elle joue aux regards le plus beau personnage ;
Et que, par aucun rôle au spectacle placé,
Le héros du tableau ne se voie effacé.