Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/715

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Il nous enseigne à fuir les ornements débiles
Des épisodes froids, et qui sont inutiles.
À donner au sujet toute sa vérité,
À lui garder partout pleine fidélité,
Et ne se point porter à prendre de licence,
À moins qu’à des beautés elle donne naissance.

Il nous dicte amplement les leçons du dessin[1],
Dans la manière grecque, et dans le goût romain :
Le grand choix du beau vrai, de la belle nature,
Sur les restes exquis de l’antique sculpture,
Qui prenant d’un sujet la brillante beauté,
En savoit séparer la foible vérité,
Et formant de plusieurs une beauté parfaite,
Nous corrige par l’art la nature qu’on traite.
Il nous explique à fond, dans ses instructions,
L’union de la grâce et des proportions :
Les figures partout doctement dégradées,
Et leurs extrémités soigneusement gardées ;
Les contrastes savants des membres agroupés,
Grands, nobles, étendus, et bien développés,
Balancés sur leur centre en beauté d’attitude,
Tous formés l’un pour l’autre avec exactitude,
Et n’offrant point aux yeux ces galimatias
Où la tête n’est point de la jambe, ou du bras ;
Leur juste attachement aux lieux qui les font naître,
Et les muscles touchés autant qu’ils doivent l’être ;
La beauté des contours observés avec soin,
Point durement traités, amples, tirés de loin,
Inégaux, ondoyants, et tenant de la flamme,
Afin de conserver plus d’action et d’âme.
Les nobles airs de tête amplement variés,
Et tous au caractère avec choix mariés ;
Et c’est là qu’un grand peintre, avec pleine largesse,
D’une féconde idée étale la richesse,
Faisant briller partout de la diversité,
Et ne tombant jamais dans un air répété :
Mais un peintre commun trouve une peine extrême
À sortir, dans ses airs, de l’amour de soi-même ;
De redites sans nombre il fatigue les yeux,

  1. Le dessin, seconde partie de la peinture.
    (Note de Molière.)