Page:Molière - Édition Louandre, 1910, tome 3.djvu/96

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Valère

Monsieur, puisqu’on vous a découvert tout, je ne veux point chercher de détours, et vous nier la chose.

Maître Jacques, à part.

Oh ! oh ! Aurais-je deviné sans y penser ?

Valère

C’était mon dessein de vous en parler, et je voulois attendre, pour cela, des conjonctures favorables[1] ; mais puisqu’il est ainsi, je vous conjure de ne vous point fâcher, et de vouloir entendre mes raisons.

Harpagon

Et quelles belles raisons peux-tu me donner, voleur infâme ?

Valère

Ah ! Monsieur, je n’ai pas mérité ces noms. Il est vrai que j’ai commis une offense envers vous ; mais, après tout, ma faute est pardonnable.

Harpagon

Comment ! pardonnable ? Un guet-apens, un assassinat de la sorte !

Valère

De grâce, ne vous mettez point en colère. Quand vous m’aurez ouï, vous verrez que le mal n’est pas si grand que vous le faites.

Harpagon

Le mal n’est pas si grand que je le fais ! Quoi ! mon sang, mes entrailles, pendard !

Valère

Votre sang, Monsieur, n’est pas tombé dans de mauvaises mains. Je suis d’une condition à ne lui point faire de tort ; et il n’y a rien, en tout ceci, que je ne puisse bien réparer.

Harpagon

C’est bien mon intention, et que tu me restitues ce que tu m’as ravi.

Valère

Votre honneur, Monsieur, sera pleinement satisfait.

Harpagon

Il n’est pas question d’honneur là-dedans. Mais, dis-moi, qui t’a porté à cette action ?

  1. Var. Des conjectures favorables, etc.