Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 02.djvu/115

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combinaison inventée par Cervantès et perfectionnée par Molière, le cynisme du tuteur obscène encourage l’amant et le pousse au succès.

Imaginez l’étonnement et l’effroi des anciens à la vue de cette audace et la joie de la jeune cour ! Molière annonce et prépare la place supérieure que la femme, contenue pendant tout le moyen âge dans les limites restreintes, allait assumer dans la civilisation nouvelle. Il veut que, pour être les compagnes de l’homme, elles prennent le sentiment de leur dignité ; l’avilissement du faible, sa servitude, le soin de le tenir au moyen de l’ignorance dans l’infériorité et l’obscurité, ne profitent (dit le poète) ni à sa vertu ni à la sûreté du maître. C’est donc le mouvement ascensionnel des femmes que Molière protège à ses propres dépens, il est vrai. Dans le ridicule Arnolphe, qui ne peut poser sa main ridée sur ce papillon aux ailes légères, il y a plus d’un trait emprunté à la passion de Molière et à ses douleurs.

Les commentateurs se sont épuisés en recherches pour vérifier les sources auxquelles Molière a puisé pour compléter son œuvre. Enquête difficile. Une assimilation constante venait grossir incessamment le trésor de son génie. Gauloise de ton, d’un sel puissant, d’une vigueur d’ironie extraordinaire, l’œuvre nouvelle rappelle à la fois Rabelais, Scarron, les Quinze joies du mariage, les Facéties de Straparole, Mathurin Régnier, et la Célestina espagnole de Rojas. L’art le plus délicat a su y introduire la célèbre entremetteuse du moyen âge sans blesser la décence, puisque c’est l’ingénue qui parle innocemment des vices qu’elle ignore et de la vicieuse qu’elle ne comprend pas.

Cette nouvelle bataille fut gagnée avec plus d’éclat que les précédentes. L’ironie et la tendresse, l’énergique satire de l’humanité, ravissaient les esprits libres et jeunes.