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Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 04.djvu/42

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Il faut être, je le confesse,
D’un esprit bien posé, bien tranquille, bien doux,
Pour souffrir qu’un valet de chansons me repaisse.

Sosie.

Si vous vous mettez en courroux,
Plus de conférence entre nous :
Vous savez que d’abord tout cesse.

Amphitryon.

Non : sans emportement je te veux écouter ;
Je l’ai promis. Mais dis, en bonne conscience,
Au mystère nouveau que tu me viens conter
Est-il quelque ombre d’apparence ?

Sosie.

Non : vous avez raison, et la chose à chacun
Hors de créance doit paraître.
C’est un fait à n’y rien connaître,
Un conte extravagant, ridicule, importun :
Cela choque le sens commun ;
Mais cela ne laisse pas d’être.

Amphitryon.

Le moyen d’en rien croire, à moins qu’être insensé ?

Sosie.

Je ne l’ai pas cru, moi, sans une peine extrême :
Je me suis d’être deux senti l’esprit blessé,
Et longtemps d’imposteur j’ai traité ce moi-même.
Mais à me reconnaître enfin il m’a forcé :
J’ai vu que c’était moi, sans aucun stratagème ;
Des pieds jusqu’à la tête, il est comme moi fait,
Beau, l’air noble, bien pris, les manières charmantes ;
Enfin deux gouttes de lait
Ne sont pas plus ressemblantes ;
Et n’était que ses mains sont un peu trop pesantes,
J’en serais fort satisfait.

Amphitryon.

À quelle patience il faut que je m’exhorte !
Mais enfin n’es-tu pas entré dans la maison ?