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Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 04.djvu/44

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Sosie.

Par une raison assez forte.

Amphitryon.

Qui t’a fait y manquer, maraud ? explique-toi.

Sosie.

Faut-il le répéter vingt fois de même sorte ?
Moi, vous dis-je, ce moi plus robuste que moi,
Ce moi qui s’est de force emparé de la porte,
Ce moi qui m’a fait filer doux,
Ce moi qui le seul moi veut être,
Ce moi de moi-même jaloux,
Ce moi vaillant, dont le courroux
Au moi poltron s’est fait connaître,
Enfin ce moi qui suis chez nous,
Ce moi qui s’est montré mon maître,
Ce moi qui m’a roué de coups.

Amphitryon.

Il faut que ce matin, à force de trop boire,
Il se soit troublé le cerveau.

Sosie.

Je veux être pendu si j’ai bu que de l’eau :
À mon serment on m’en peut croire.

Amphitryon.

Il faut donc qu’au sommeil tes sens se soient portés ?
Et qu’un songe fâcheux, dans ses confus mystères,
T’ait fait voir toutes les chimères
Dont tu me fais des vérités ?

Sosie.

Tout aussi peu. Je n’ai point sommeillé,
Et n’en ai même aucune envie.
Je vous parle bien éveillé ;
J’étais bien éveillé ce matin, sur ma vie !
Et bien éveillé même était l’autre Sosie,
Quand il m’a si bien étrillé.

Amphitryon.

Suis-moi. Je t’impose silence :
C’est trop me fatiguer l’esprit ;
Et je suis un vrai fou d’avoir la patience