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Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 04.djvu/62

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Est-ce là cet amour si tendre,
Qui devait tant durer quand je vins hier ici ?

Alcmène.

Non, non, ce ne l’est pas ; et vos lâches injures
En ont autrement ordonné.
Il n’est plus, cet amour tendre et passionné ;
Vous l’avez dans mon cœur, par cent vives blessures,
Cruellement assassiné.
C’est en sa place un courroux inflexible,
Un vif ressentiment, un dépit invincible,
Un désespoir d’un cœur justement animé,
Qui prétend vous haïr, pour cet affront sensible,
Autant qu’il est d’accord de vous avoir aimé :
Et c’est haïr autant qu’il est possible.

Jupiter.

Hélas ! que votre amour n’avait guère de force,
Si de si peu de chose on le peut voir mourir !
Ce qui n’était que jeu doit-il faire un divorce ?
Et d’une raillerie a-t-on lieu de s’aigrir ?

Alcmène.

Ah ! c’est cela dont je suis offensée,
Et que ne peut pardonner mon courroux.
Des véritables traits d’un mouvement jaloux
Je me trouverais moins blessée.
La jalousie a des impressions
Dont bien souvent la force nous entraîne ;
Et l’âme la plus sage, en ces occasions,
Sans doute avec assez de peine
Répond de ses émotions ;
L’emportement d’un cœur qui peut s’être abusé
A de quoi ramener une âme qu’il offense ;
Et dans l’amour qui lui donne naissance
Il trouve au moins, malgré toute sa violence,
Des raisons pour être excusé ;
De semblables transports contre un ressentiment
Pour défense toujours ont ce qui les fait naître,
Et l’on donne grâce aisément
À ce dont on n’est pas le maître.
Mais que, de gaieté de cœur,