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Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 04.djvu/61

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Jupiter.

Ce vous est une attente vaine.
Je tiens à vos beautés par un nœud trop serré,
Pour pouvoir un moment en être séparé :
Je vous suivrai partout, Alcmène.

Alcmène.

Et moi, partout je vous fuirai.

Jupiter.

Je suis donc bien épouvantable ?

Alcmène.

Plus qu’on ne peut dire, à mes yeux.
Oui, je vous vois comme un monstre effroyable,
Un monstre cruel, furieux,
Et dont l’approche est redoutable,
Comme un monstre à fuir en tous lieux.
Mon cœur souffre, à vous voir, une peine incroyable ;
C’est un supplice qui m’accable ;
Et je ne vois rien sous les cieux
D’affreux, d’horrible, d’odieux,
Qui ne me fût plus que vous supportable.

Jupiter.

En voilà bien, hélas, que votre bouche dit.

Alcmène.

J’en ai dans le cœur davantage ;
Et pour s’exprimer tout, ce cœur a du dépit
De ne point trouver de langage.

Jupiter.

Hé ! que vous a donc fait ma flamme,
Pour me pouvoir, Alcmène, en monstre regarder ?

Alcmène.

Ah ! juste Ciel ! cela peut-il se demander ?
Et n’est-ce pas pour mettre à bout une âme ?

Jupiter.

Ah ! d’un esprit plus adouci...

Alcmène.

Non, je ne veux du tout vous voir, ni vous entendre.

Jupiter.

Avez-vous bien le cœur de me traiter ainsi ?