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Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 04.djvu/65

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Il faut qu’une atteinte soudaine
M’arrache, en me faisant mourir,
Aux dures rigueurs d’une peine
Que je ne saurais plus souffrir.
Oui, cet état me désespère :
Alcmène, ne présumez pas
Qu’aimant comme je fais vos célestes appas,
Je puisse vivre un jour avec votre colère.
Déjà de ces moments la barbare longueur
Fait sous des atteintes mortelles
Succomber tout mon triste cœur ;
Et de mille vautours les blessures cruelles
N’ont rien de comparable à ma vive douleur.
Alcmène, vous n’avez qu’à me le déclarer :
S’il n’est point de pardon que je doive espérer,
Cette épée aussitôt, par un coup favorable,
Va percer à vos yeux le cœur d’un misérable,
Ce cœur, ce traître cœur, trop digne d’expirer,
Puisqu’il a pu fâcher un objet adorable :
Heureux, en descendant au ténébreux séjour,
Si de votre courroux mon trépas vous ramène,
Et ne laisse en votre âme, après ce triste jour,
Aucune impression de haine
Au souvenir de mon amour !
C’est tout ce que j’attends pour faveur souveraine.

Alcmène.

Ah ! trop cruel époux !

Jupiter.

Ah ! trop cruel époux ! Dites, parlez, Alcmène.

Alcmène.

Faut-il encor pour vous conserver des bontés,
Et vous voir m’outrager par tant d’indignités ?

Jupiter.

Quelque ressentiment qu’un outrage nous cause,
Tient-il contre un remords d’un cœur bien enflammé ?

Alcmène.

Un cœur bien plein de flamme à mille morts s’expose,
Plutôt que de vouloir fâcher l’objet aimé.