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Page:Molière - Œuvres complètes, CL, 1888, tome 04.djvu/81

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Sosie.

C’est un nom que tous deux nous pouvons à la fois
Posséder sous un même maître.
Pour Sosie en tous lieux on sait me reconnaître ;
Je souffre bien que tu le sois :
Souffre aussi que je le puisse être.
Laissons aux deux Amphitryons
Faire éclater des jalousies ;
Et parmi leurs contentions,
Faisons en bonne paix vivre les deux Sosies.

Mercure.

Non : c’est assez d’un seul, et je suis obstiné
À ne point souffrir de partage.

Sosie.

Du pas devant sur moi tu prendras l’avantage ;
Je serai le cadet, et tu seras l’aîné.

Mercure.

Non : un frère incommode, et n’est pas de mon goût,
Et je veux être fils unique.

Sosie.

Ô cœur barbare et tyrannique !
Souffre qu’au moins je sois ton ombre...

Mercure.

Souffre qu’au moins je sois ton ombre... Point du tout.

Sosie.

Que d’un peu de pitié ton âme s’humanise ;
En cette qualité souffre-moi près de toi :
Je te serai partout une ombre si soumise,
Que tu seras content de moi.

Mercure.

Point de quartier : immuable est la loi.
Si d’entrer là-dedans tu prends encor l’audace,
Mille coups en seront le fruit.

Sosie.

Las ! à quelle étrange disgrâce,
Pauvre Sosie, es-tu réduit !

Mercure.

Quoi ? ta bouche se licencie