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Scène II

CÉLIE, ANDRÈS
ANDRÈS

Vous le savez, Célie, il n’est rien que mon cœur
N’ait fait pour vous prouver l’excès de son ardeur :
Chez les Vénitiens, dès un assez jeune âge,
La guerre en quelque estime avait mis mon courage ;
Et j’y pouvais un jour, sans trop croire de moi,
Prétendre en les servant un honorable emploi :
Lorsqu’on me vit pour vous oublier toute chose,
Et que le prompt effet d’une métamorphose
Qui suivit de mon cœur le soudain changement
Parmi vos compagnons sut ranger votre amant,
Sans que mille accidents ni votre indifférence
Aient pu me détacher de ma persévérance.
Depuis, par un hasard d’avec vous séparé
Pour beaucoup plus de temps que je n’eusse auguré,
Je n’ai, pour vous rejoindre, épargné temps ni peine.
Enfin, ayant trouvé la vieille Égyptienne,
Et, plein d’impatience, apprenant votre sort,
Que pour certain argent qui leur importait fort,
Et qui de tous vos gens détourne le naufrage,
Vous aviez en ces lieux été mise en otage.
J’accours vite y briser ces chaînes d’intérêt,
Et recevoir de vous les ordres qu’il vous plaît.
Cependant on vous voit une morne tristesse,
Alors que dans vos yeux doit briller l’allégresse ;
Si pour vous la retraite avait quelques appas,
Venise, du butin fait parmi les combats,
Me garde pour tous deux de quoi pouvoir y vivre ;
Que si, comme devant, il vous faut encor suivre,