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LIVRE I, CHAPITRE III

cités fussent, dans tous les cas et de par la loi, astreintes à fournir leur contingent ; ou qu’à l’inverse, il ne leur fût jamais permis de mener, pour leur propre compte, une guerre particulière, fût-ce même contre un membre de la fédération. Du moins pendant les fêtes latines, à en croire certains indices, comme en Grèce durant les fêtes fédérales, il régnait dans tout le Latium une sorte de trêve de Dieu[1] : les belligérants alors devaient se donner mutuellement des saufs-conduits. Quant aux droits appartenant à la cité ayant la préséance, il est impossible d’en déterminer la nature et l’étendue : je ne connais nulle raison qui autorise à considérer les Albains comme ayant exercé une hégémonie véritable sur le Latium ; et très probablement leurs privilèges ressemblaient à la présidence honoraire accordée par les Grecs à l’Élide[2]. Dans ses commencements, la confédération n’eut point, à vrai dire, un droit stable et coordonné : tout y fut variable ou indéterminé : mais comme elle ne fut jamais une agrégation, due au hasard, de peuplades plus ou moins étrangères, elle devint promptement et nécessairement la représentation, dans l’ordre politique et légal, de la

  1. Aussi a-t-on donné le nom de Trêve à la Fête latine (indutiœ ; Macrob. sat. 1, 16 ; έϰεχειρίαι ; Dionys, 4, 49) ; il était interdit de faire la guerre durant sa célébration.
  2. On a souvent soutenu, parmi les anciens et les modernes, que la cité d’Albe a exercé dans le Latium, sous la forme d’une symmachie, une prépondérance dont les recherches mieux conduites de la critique historique ne laissent pas apercevoir la moindre trace. Au début de son histoire, une nation n’est jamais unie ; elle est, au contraire, fractionnée ; et il serait bien étonnant que les Albains eussent tout d’abord résolu le problème de l’unification du Latium, qui a demandé plus tard à Rome tant de siècles et de combats acharnés. Quand Rome, se disant aux droits de la ville d’Albe, revendiqua l’héritage de celle-ci, elle demanda moins la suprématie directe sur les cités qu’une sorte de préséance honorifique, sachant bien, il est vrai, que cette préséance, jointe à la puissance matérielle, la conduirait rapidement à une hégémonie réelle. Sur toutes ces questions, d’ailleurs, les témoignages directs font défaut, il n’est pas besoin de le dire ; et l’on aurait tort, en s’appuyant sur quelques textes (Festus, V. Prœtor, p.241 : Dionys, 3, 10), de transformer ainsi la cité d’Albe en une sorte d’Athènes latine.