Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 5.djvu/392

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. 388 LIVRE lv, CHAPITRE X biens de ses semblables comptés par millions; qui, sur un _ signe, avait fait tomber par milliers les têtes; qui, dans les rues de la capitale et dans toutes les_ villes de l’Italie, avait partout des ennemis mortels; qui, sans un seul allié _ de sa caste, sans même s’appuyer sur un fort parti, avait mené à fin l’œuvre d’une réorganisation colossale, foulant aux pieds et les intérêts et les opinions, on le vit s’avancer · sur le Forum romain, se défaire spontanément de la pléni- tude de sa puissance, congédier sagarde d’hommes armés, renvoyer ses licteurs, et, s’adressant à la `foule amassée autour de lui, demander s’il était quelqu’un qui réclamàt · des comptesl Tous se turent. Alors il descenditde la tri- bune et, marchant à pied, suivi seulement par les siens, il traversa tranquillement cette même foule qui, huit ans ` , avant, avait saccagé sa maison, et rentra chez lui. ·

 Peu équitable d’ordinaire envers les hommes qui. ont eu

à lutter contre le courant des temps, la postérité n’a pas su juger comme il faut Sylla et son œuvre de réorganisateur. Sylla, certes, est bien `l’une des apparitions les plus éton- nantes, je dirai même une apparition uniquo, dans l’his— I toire. Sanguin de tempérament et d’esprit, l’œil bleu, les cheveux blonds, le visage d’une singulière blancheur, mais · se colorant au moindre mouvement de ‘l’àme ‘; bel homme . . d’ailleurs, avec son regard de feu, il ne semblait pas des- tiné à jouer dans l’État un role plus éclatant que celui de ses aïeux': or, depuis le grand-père de son grand—père, · 290.277¤v·J··C· Publius Cornelius Rufinus (consul en 464 et 477), l’un· ' V des meilleurs généraux et l'un des hommes les plus fas- ’ ·tueux du temps des guerres de Pyrrhus, ceux-ci s’étaient tous tenus au second rang. Il ne demandait rien à la vie V que ses jouissances insouciantes. Élevé dans tout le luxe d’une civilisation raffinée, tel qu’en ces temps on le ren- · ‘ [Cf. son portrait, dans Plutarch., Sylla, 2. - « Sylla, » disaient i leîacpruïiqtîes Athéniens, u Sylla, c'est une mûre saupoudrèe de