Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 5.djvu/56

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» à la condition, toutefois, que la République en sorte » saine et sauve ! S’il n’en est point ainsi, que nos ennemis » vivent et vivent longtemps et partout; qu’ils restent ce » qu’ils sont, plutôt que_ de faire crouler et périr la » patrie'. » Cornélie savait son fils par cœur. Il professait la maxime toute_contraire. Il voulait se venger de ce misérable gouvernement, se venger à tout prix, dut Rome sombrer, et lui-même avec Rome ! Se sentant voué au même destin précoce que son frère, il ne fit que se hâter davantage, pareil à l’homme mortellement blessé qui se précipite sur l’ennemi. La mère des Gracques pensait plus noblement, qui en doute ? Mais la postérité, éprise du fils, de cette nature italienne si profondément passionnée et brûlante, a mieux aimé le plaindre que le blâmer. Elle n’a point eu tort en cela.

Tiberius avait été au devant du peuple, sa réforme unique a la main. Mais Gaius se présentait avec une série de projets divers, formant en réalité toute une constitution nouvelle, ayant pour pierre angulaire et principal point d’appui la rééligibilité des tribuns à leur sortie de charge et pour l’année suivante, mesure, comme on sait, déja passée en force de loi. Les chefs populaires pouvaient désormais conquérir une situation qui ne fut` pas éphémère, et qui les protégeât par elle-même : mais il fallait encore s’assurer le pouvoir matériel; avoir à soi, par conséquent, la multitude habitant la capitale', et sc l’attacher par le lien de l’intérèt. Qu’il ne fallut pas faire fond sur les campagnards venant à Rome de temps à autre, on ne le savait que trop. Un premier moyen s’offrit, celui des distributions de grains. Souvent déjà, les blés de

1 [Déjà nous avons fait allusion à cette lettre (p. 41, en note) : Dices, pulchrum essc inimicos ulcisci. Id ncquc majus, nequc pulchrius cuiquam, atquc esse mihi videlur; sed si liceat respublica salva ea persequi. Sad quatenus id ficri non potest, mullo tempore, multisquc partibus inimici n0stri,n0n peribunt; atque uti mmc sant, crunt potius, quam respublica profligetur atque pereat. (Corn. Nep., fragm., p. 305, éd. Lemaire.)]