Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 5.djvu/72

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Rome, impose aux sujets la charge de défrayer la nourriture quotidienne du’peuple souverain. Il désapprouve hautement le pillage des provinces: dans l’occasion, il provoque de salutaires etsévères mesures; il supprime les tribunaux sénatoriaux dont l’insuffisance est notoire , devant lesquels jadis Scipion Emilien a usé en vain son crédit à réclamer la punition des grands coupables: mais, en meme temps, il donne la juridiction à la classe marchande, lui livre pieds et poings liés les malheureux provinciaux; les écrase sous un despotisme plus cruel encore que celui de l’aristocratie, et introduit en Asie un mode de taxation, auprès duquel `celui pratique en Sicile, à l’instar des Carthaginois, peut sembler un régime doux et humain : tout cela, parce qu’il a besoin des hommes de la finance’; parce qu’avec l’annone qu’il a instituée, avec les charges énormes qu’il a fait peser sur le trésor, il lui faut tous les jours trouver des ressources nouvelles et plus grandes. Assurément il voulait une administration forte, une justice bien ordonnée, de nombreuses et excellentes mesures l’attestent; et cependant, son systeme administratif _n’est autre chose qu’une série continuelle d’usurpations que la loi consacre pour la forme; et quant a la justice, institution précieuse que dans un état régulier il convient de placer au-dessus des partis, ou tout au moins en dehors d’eux, on le voit de propos délibéré la jeter dans le flot révolutionnaire.

Disons à la décharge de Gaius que ces contradictions tenaient à sa situation bien plus qu’a sa personne. Au seuil de toute tyrannie s’ouvre un dilemme fatal, moralement et politiquement :le même homme doit agir a la fois, si j’ose le dire, et comme un chef de bandits, et il ajoute qu‘en ce qui touche la loi en discussion (l’abandon de la Phrygie à Mithridate) « les sénateurs se divisent en trois catégories : » ceux qui votent pour la loi, ceux qui la rejettent et ceux qui demeurent muets. Les premiers sont vendus à Mithridate, les seconds au roi Nicomède. Mais les troisièmes, plus habiles, recoivent de toutes mains et trompent tout le monde. ii [Aulu-Gell., 11, 10.]