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AMOUR


Au ladre possesseur de la perle adorée
Qu’importe mon tourment, qu’importe un cœur brisé ?
À son compte l’amour c’est vulgaire denrée
Qu’à prendre sans écus nul n’est assez osé !

Illusion d’ailleurs ! Cet objet, que j’adore,
De mon propre idéal n’est qu’un trompeur reflet.
Mon cœur le voit au jour, dont lui-même le dore.
Tel qu’il voudrait qu’il fût ; hélas ! non tel qu’il est !

II



Consolons-nous pourtant ; chantons à l’espérance,
Car le Suprême Amour vers nous, vers nous descend !
Dieu connaît le limon, qui nous donna naissance !
Il sait combien de maux coulent dans notre sang.

Il a vu cette faim qui fait notre supplice ;
Il nous a vus errants sur tous les grands chemins,
Collant fiévreusement la lèvre à tout calice,
Et n’y puisant jamais que dégoûts et dédains.

Il nous a regardés déçus, toujours avides.
Une pitié profonde est montée à son cœur.
Moi-même, s’est-il dit, à ces âmes arides
J’irai porter confort. Je serai leur vainqueur.

Sous des dehors humains, sous la forme d’esclave
Le monde alors put voir son Maître et Créateur ;
L’homme put contempler, ô prodige suave !
Dieu devenu son pain et son consolateur !

Merveille de bonté, d’amour toute pétrie,
Jésus, mon doux Jésus, je viens de vous nommer.
Et j’ai senti soudain dans mon âme flétrie
Se réveiller vibrant tout mon pouvoir d’aimer.

Pour nous, pécheurs ingrats, victime anéantie,
Vos excès haut, bien haut réclament un retour.
Bethléem, Nazareth, Calvaire, Eucharistie,
Quels noms furent mieux faits pour provoquer l’amour