Il comprit qu’un homme de la trempe et de l’âge de Guéridou, imbu de superstitions, complètement fanatisé par les antiques croyances, n’était pas une conquête facile ; néanmoins il se promit de réussir dans sa tâche infernale de démoralisation, il y mit du temps, de la patience et une satanique habileté.
Au début, le forgeron défendit énergiquement ses convictions, puis peu à peu il prit goût aux lectures que lui passait son ami.
La Louise, avec cette perspicacité propre à son sexe, devina le danger, elle conjura son mari de cesser cette nouvelle relation qui ne pouvait que lui nuire ; mais Guéridou persista !
À son tour il devint membre du cercle des Indépendants, ce qui nécessitait de fréquents voyages à Toulon ; là il entendit des discours où la religion était constamment bafouée. Il y apprit que le christianisme n’était qu’une invention des prêtres, et que ceux-ci tiraient un avantageux profit de la crédulité des simples ; c’était donc travailler au relèvement de la Patrie que d’enrayer l’influence cléricale, incompatible avec notre « siècle de lumière et de progrès. »
Ces étranges maximes eurent de la peine à pénétrer dans l’esprit du forgeron, cependant chaque discours impie y laissait une trace ; insensiblement les « idées nouvelles » l’envahirent, et un beau jour Guéridou, pour se mettre à l’unisson des amis du « Progrès », abandonna pour de bon les croyances de son enfance, de sa jeunesse et de son âge mûr.
À quarante-cinq ans, à la profonde douleur de la Louise et au scandale du village, il déserta le chemin de l’Église, en retour il devint le plus zélé des adeptes de la loge de Toulon…