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UNE ŒUVRE D’ARTISTE

Le temps suivait sa course, trop rapide pour la Louise, trop lente pour Guéridou.

Enfin l’enfant venait d’avoir onze ans, c’était, selon son père, l’âge voulu pour le placer au collège.

On était en 1881. Une date tristement célèbre pour la France catholique, elle ouvrit l’ère de la persécution qui de nos jours redouble d’intensité.

Un dimanche de juillet, de cette même année, Guéridou, comme de coutume, se rendit à sa loge ; ce jour-là il y mit plus d’empressement que jamais, moins par conviction que pour y rencontrer le député, à qui il voulait parler de son fils.

Justement celui-ci alla au-devant de lui — « l’important personnage » avait, lui aussi, une idée en tête — il lui réitéra les offres de naguère. Le forgeron jubilait, il saisit l’occasion pour exposer sa requête. Le visage du député s’illumina. « Mon ami, lui dit-il, vous avez une excellente pensée en voulant mettre votre fils au lycée ; je suis très lié avec le ministre de l’instruction publique ; lors de notre prochaine entrevue je lui parlerai de vous ; assurément je réussirai dans ma démarche ; seulement, mon pauvre Guéridou, votre commune n’est pas très en faveur auprès du gouvernement, elle est réputée comme très cléricale… il faudrait vous signaler à son attention par un acte quelconque qui lui prouve que vous êtes des nôtres. » — Que faire ? demanda Guéridou. — Oh ! pas grand chose… tenez, j’ai entendu dire qu’à l’entrée de votre village se dresse une grande croix de bois… il n’en faut plus chez nous… ça abêtit le peuple. Je compte sur vous, mon brave Guéridou, pour nous aider dans notre tâche de réforme morale du pays.