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UNE ŒUVRE D’ARTISTE

à la longue, la douleur devint plus intime ; il croyait avec certitude qu’elle était au ciel et il remerciait Dieu d’avoir hâté le terme de son douloureux pèlerinage, il lui demandait de se conserver sage et pur afin de la retrouver un jour auprès de Lui. Il n’oubliait pas son infortuné père, mais il n’en parlait jamais pour ne pas révéler les tristes circonstances de sa mort.

Il secondait de son mieux son vieil oncle qui était ravi de l’intelligence de son jeune neveu. Au bout de quelque temps, Benoit suffisait presqu’à lui seul à la besogne ; le vieillard pouvait se reposer, ses mains tremblantes devenaient lentes au travail ; aussi bénissait-il la Providence de lui avoir donné un aide dans l’orphelin.

Vint pour Benoit le temps de la première communion. Il apporta dans l’accomplissement de ce grand acte toute la ferveur de son âme candide et tout le sérieux de son esprit précocement mûri à l’école du malheur.

Batistin Giraud fut frappé de l’expression de gravité, qui se reflétait sur le visage du petit communiant au retour de la touchante cérémonie. Que s’était-il passé dans l’instant solennel, où le cœur de Dieu ne faisait qu’un avec celui de sa petite créature ? Benoit garda son secret ; mais à partir de ce jour il devint plus pieux encore, ce qui faisait dire au vieux potier : « Je crois que mon petit Benoit m’est venu tout droit du Paradis, car il est sage et doux comme un ange du bon Dieu : cet enfant ne ressemble pas aux autres. »

En effet il différait en tout des enfants de son âge, jamais il ne se mêlait de leurs jeux.

Les jours de repos, il s’asseyait sur le seuil de la porte auprès du vieillard, tandis que celui-ci, tout en évo-