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UNE ŒUVRE D’ARTISTE

quant les souvenirs de sa lointaine jeunesse, fumait sa longue pipe d’écume. Benoit lisait ou plus souvent crayonnait quelques dessins sur une ardoise ; c’était là sa meilleure jouissance ; il n’en souhaitait pas d’autres.

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On était aux premiers jours de novembre. À cette époque de l’année Batistin apportait un changement à son travail habituel, il délaissait ses pots et ses poêlons et confectionnait des santons[1]. Sans être critique sévère on ne pouvait s’empêcher de constater que les santons de Batistins Giraud étaient absolument dépourvus d’art. Cette année-là ils eurent un véritable succès. Comme on complimentait le potier sur son talent tardif, celui-ci en riant de l’éloge disait, sans jalousie, en désignant Benoit qui pétrissait l’argile : voilà l’artiste !

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C’est en ce temps-là que le recteur de la Bourine qui, pour cause de santé, abandonnait le ministère, eut un successeur, un nouvel ordonné : l’abbé Simonet, fils d’un célèbre sculpteur, Pascal Simonet, des œuvres duquel Marseille s’honore.

Le jeune recteur prit possession de sa petite cure le deuxième dimanche de l’Avent. Il était suivi de sa vieille Bertrande ; elle l’avait élevé et depuis trente ans,

  1. Les Santons sont de minuscules personnages, généralement faits en argile qui, au temps de Noël, agrémentent les crèches provençales. Celles-ci figurent, non seulement dans les églises, mais encore dans chaque foyer, fidèle aux vieilles traditions du pays.