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LA RANÇON

papa est devenu sombre ; beaucoup d’hommes, que j’avais jamais vus, venaient à la maison, ils lui disaient qu’à la ville on gagnait beaucoup d’argent, sans se tuer de fatigues comme pour travailler la terre qui ne rapporte rien. Alors, un soir on est parti pour cet enfer de Paris où l’on est si malheureux et où les papas deviennent si méchants…

— Comment t’appelles-tu ?

— Marie-Louise.

— Eh bien, ma petite Marie-Louise, veux-tu venir me voir, chaque jour, si tu le peux ; j’essayerai de remplacer auprès de toi cette petite mère qui t’aimait tant et que tu regrettes ; mais qu’un jour tu reverras.

L’enfant eut un incrédule sourire.

— Comment peut-on revoir ceux qu’on jette dans le grand trou noir ?

— Ceux-là — répondit la religieuse, — possèdent une âme, comme nous en avons une nous-mêmes, et cette âme, mon enfant, échappe à l’empire de la mort ; le corps seul descend dans la tombe…

— Alors — demanda-t-elle intriguée — cette âme, où donc qu’elle va ?

— Au ciel, si elle a aimé et servi Dieu durant son passage ici-bas ; en enfer, si elle l’a volontairement méconnu et gravement offensé.

— Papa dit que la religion c’est de la blague, qui faut pas croire les curés, que d’ailleurs y a pas de bon Dieu. C’est vrai qu’avant de venir ici y parlait pas comme ça. Maman me faisait dire de belles choses à ce bon Dieu ; mais je ne les sais plus.

— Si tu veux, je t’en ferai souvenir, et si tu pries encore, tu seras heureuse.

— Papa ne me battra plus alors ?