Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
LA RANÇON

belle qui se penchait sur elle avec un gracieux sourire et cette radieuse apparition ressemblait étrangement à la bonne sœur Thérèse…

* * *

Comme elle l’avait promis, la fillette était retournée auprès de sa bienfaitrice. Au lieu d’arpenter les rues, ainsi qu’elle faisait durant les longues heures où le logis était vide et où elle demeurait livrée à elle-même, Marie-Louise accourait à l’école maternelle. La pieuse directrice l’y gardait jusqu’au moment de la « sortie » des usines.

Grâce aux bons soins de l’excellente religieuse, la pauvre petite fleur, que les souffrances et privations quotidiennes avaient si rapidement étiolée, retrouva bien vite la vigueur des premières années de son enfance, écoulées sur les genoux de la plus aimante des mères, dans l’atmosphère douce et paisible du village.

Le moral avait subi la même heureuse influence. Toutefois la transformation sur ce point avait été un peu plus lente.

Le blasphème de l’impiété avait trop souvent retenti à son entour pour qu’il n’en restât pas quelque vestige en cette âme enfantine.

« S’il y a un Dieu — disaient les incroyants et raisonneurs du populeux quartier — d’où vient qu’il y a en ce monde des êtres qui, sans l’avoir plus mérité que d’autres, naissent et vivent dans les honneurs et l’opulence, tandis que nombre de leurs semblables, du berceau à la tombe, n’ont pour tout partage que la sombre misère et le cruel mépris ? »