Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Une Âme de Prêtre

(Nouvelle)

Tandis que la gent enfantine du hameau de Moustiers-Saint-Louis allait se dédommager sur la place ombragée de l’église du supplice d’une longue heure d’immobilité, le bon Abbé Montmoret, le catéchisme achevé, regagnait d’un pas précipité son modeste presbytère. À la hâte il prit quelques hardes, une minuscule statuette de la Vierge, son bréviaire et un crucifix, puis il enferma le tout dans un petit sac de cuir dont les coins usés dénotaient un long usage.

La vieille Annette, qui depuis bientôt trois lustres se dévouait à son service, l’aidait, tout en s’essuyant furtivement les yeux, dans ses préparatifs de départ.

— Alors, lui dit-elle, de ce ton bourru qui ne la quittait guère, ce qui ne l’empêchait point d’être la meilleure et la plus sensible des créatures, alors, vous n’voulez pas toucher à vot’dîner ? ça n’a vraiment pas d’bon sens d’se mettre en route avec l’estomac creux… Vous devriez ben, au moins, prendre vot’potage.

— Je suis trop pressé, ma bonne Annette, répliqua l’Abbé, dans un quart d’heure le train sera en gare, j’ai tout juste le temps de m’y rendre ; mais consolez-vous, vous n’aurez pas allumé vos fourneaux en vain, le bon Dieu ne manquera pas de vous envoyer tout à l’heure