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UNE ÂME DE PRÊTRE

quelque pauvre hère affamé, lequel, je vous assure, fera plus d’honneur que moi-même à votre menu.

La vieille servante haussa les épaules en marmottant entre ses dents : Y sera ben toujours le même. — Vous r’viendrez vite ? questionna-t-elle sur un ton mi-fâché, mi-désolé.

— « Certainement ; ce n’est qu’une absence d’une quinzaine de jours au plus, il faut que je sois de retour pour la Semaine Sainte et nous sommes déjà à la mi-carême. Allons, ma bonne, ayez courage, ne pleurez plus et priez pour moi ; surtout ne rebutez point les pauvres qui viendront frapper à la porte de la cure, ce sont, vous le savez, les amis de prédilection de Notre-Seigneur et les miens, traitez les donc en conséquence ; n’oubliez pas non plus de porter chaque jour du bouillon à la veuve du vieux Batiste, soignez-vous aussi ; adieu ! »

Dix heures plus tard, le pasteur de Moustiers-Saint-Louis battait le pavé de la capitale où s’étaient écoulées son enfance et sa jeunesse, et qu’il n’avait plus revue depuis de longues années. Une triste nécessité l’y ramenait aujourd’hui… Après avoir longtemps marché à travers les rues de la métropole, il s’arrêta soudain devant un vaste bâtiment dont la vue le fit douloureusement frissonner ; alors il traça dévotement sur son cœur le signe de la croix en murmurant : Mon Dieu, je vous l’offre ! et, subitement rasséréné, il entra…