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CŒUR MAGNANIME


IV


Ils avaient vingt ans. Anne-Marie était devenue une grande et svelte jeune fille. Elle avait toujours ses mêmes beaux cheveux d’or, qu’à présent elle portait relevés en une torsade mousseuse au-dessus de sa tête ; son même teint de lis que la plus légère émotion colorait soudain ; mais dans ses larges prunelles d’azur se reflétait, en plus de l’exquise candeur de l’enfance, une profonde gravité. La virilité et la douceur s’harmonisaient et se fondaient en cette grande âme et esquissaient déjà en elle le type achevé, si rare en notre ère de mollesse, de la femme forte des âges d’autrefois. Cette ravissante créature, toute pleine de vaillance et débordante de tendresse, sévère pour elle-même, inlassablement indulgente et bonne pour les autres, attirait et captivait dès la première rencontre. Rodrigue formait auprès d’elle un saisissant contraste. Il était grand et élancé, lui aussi : c’était là leur seul point de ressemblance. Les traits du jeune homme reproduisaient l’image de sa pauvre mère, d’elle il avait hérité cette idéale beauté propre aux enfants de la fière et brûlante Andalousie ; c’était les mêmes cheveux d’ébène, légèrement bouclés, les mêmes grands yeux noirs, pleins d’ombre et de caresses ; la même bouche, petite et rouge comme la fleur du grenadier et dont une fine moustache brune estompait la lèvre supérieure.