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CŒUR MAGNANIME

abondent. Tu vois que les lieux de promenade ne manquent pas ici, même par les sentiers solitaires où l’on peut rêver sans témoins, à ceux que l’on aime.

Hier le hasard m’a ménagé une agréable rencontre ; je montais à pas lents la rue Monge, une des principales rues du quartier latin, et tout en suivant d’un regard distrait les spirales bleutées de la fumée de mon cigare, je songeais à toi, ma jolie, à nos bons parents, aux camarades, à tout ce qui s’appelle le Pays… Tout à coup j’entends une exclamation joyeuse, suivie de mon nom. Pense si je sursaute ! Je me retourne et je me vois en face d’un ancien condisciple du collège : Ernest Martel, dont je vous parlais quelquefois ; il est, lui aussi, étudiant en médecine ; mais il a achevé son stage. Dans quelques jours il repart pour le Canada, que les merveilles de Paris n’ont pu lui faire oublier ; il faut dire que deux grands yeux de velours l’avaient déjà conquis tout entier avant qu’il ne quitte le cher pays, tu comprends s’il a hâte d’y retourner… quel veinard !

Nous avons achevé ensemble la journée ; le soir nous sommes allés à l’opéra : on y répétait, devine ? « Sigurd » ton opéra favori. Que j’aurais été heureux de t’avoir auprès de moi ?… Nous avons parlé de « nos belles » et dans le fiacre, qui nous reconduisait au sortir du théâtre, nous nous sommes mis à chanter à tue-tête en tambourinant sur les vitres : « Vive la Canadienne » ! Ernest et moi nous devions avoir l’air d’échappés de Charenton. Heureusement qu’il faisait nuit, ce qui favorisait nos bruyantes expansions.

Tu me demandes mon impression sur les parisiennes. Ma foi, elle est des plus heureuses. Eh bien, oui, je l’avoue, elles sont adorablement jolies ; une taille ravis-