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CŒUR MAGNANIME

sante, élégante et distinguée avec un timbre de voix d’une douceur caressante ; mais tous ces avantages ne doivent nullement t’alarmer puisque les gentilles petites canadiennes les partagent. Non, leurs « séduisants attraits », pour employer ton terme, ne me détourneront pas de toi, pas plus qu’ils n’ont détourné les nôtres, qui m’ont devancé dans la grande capitale ; tous sont revenus au pays natal, avec le même amour qu’ils avaient emporté dans leur cœur en le quittant. Tu vois que nous sommes fidèles à nos « belles », et que les « charmeuses » ne sont pas du tout celles que tu penses… à bon entendeur, salut !

Il est temps que je vous entretienne du côté sérieux de ma nouvelle vie. Selon la promesse, que j’ai faite à Papa, je veux travailler avec ardeur, j’étudie de longues heures chaque jour. J’ai vu l’excellent docteur Décugnier, reconnu ici comme une sommité. Il a l’admiration et l’estime de tous ses confrères. C’est un grand chrétien, sans respect humain. Il m’a reçu avec une bonté vraiment paternelle ; il se souvient fort bien de Papa et m’a rappelé diverses anecdotes de leur vie d’étudiants. Je ne pouvais m’empêcher de constater, en écoutant le récit de ces lointaines réminiscences, que la jeunesse studieuse d’aujourd’hui ne ressemble plus à celle d’autrefois ; nous faisons plus large la part du plaisir, eux ne lui accordaient que le temps, qui n’était pas accaparé par l’étude, et cette dernière absorbait toute leur journée. « Nous nous distrayions en travaillant — me disait le bon Docteur — à cette heure les jeunes travaillent en se distrayant. » Moi, je veux être de la catégorie des « antiques », et trouver, comme eux, mon plus grand plaisir dans mon travail même.