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CŒUR MAGNANIME

ce n’est pas à ce titre humiliant que j’ai plaidé ta cause ; d’ailleurs pour que tu fusses coupable à leurs yeux il leur faudrait connaître que tu m’avais jadis donné ta foi : ce secret ne sortira jamais de mon cœur ! Quant à s’opposer à ton mariage, ils ne s’en reconnaissent pas le droit. Leur réponse révèle bien l’esprit de foi qui les anime : « Si cette jeune fille est sage et qu’elle l’aime, nous ne devons pas contrarier le choix de Rodrigue. Cette union est, sans doute, préparée par Dieu, pourquoi ne l’approuverions-nous pas ? Peut-être que notre enfant ne reviendra plus auprès de nous, mais n’est-il pas dit : « L’homme abandonnera son père et sa mère et s’attachera à sa femme ». Que Rodrigue suive sa destinée. Dis-lui que nous l’aimons toujours et que ses vieux parents le bénissent. »

Pour moi, je te pardonne. J’ai la certitude que tu es plus digne de pitié que de blâme et cette pitié je te l’accorde tout entière.

Avec ton exhubérance et ton cœur si ardent, il était impossible qu’au contact de cette enfant jeune, belle et séduisante, tu n’arrivas pas un jour, même à ton insu, à dépasser les limites d’une simple amitié. Tu aurais dû cesser cette relation dès le début ; c’était, pour toi une obligation, puisque tu n’étais plus libre de ton cœur ; mais non, je ne viens pas t’adresser des reproches ; je refoule au fond de mon cœur l’indicible douleur qui, malgré moi, monte jusqu’à mes lèvres, et je ne veux que penser à ton bonheur et à celui d’Odile. Je ne puis lui en vouloir, la pauvre enfant ignorait quel serment te liait à ta sœur d’adoption. Sans amertume je vous adresse à tous deux mes vœux les plus sincères et les plus ardents pour votre félicité vraie et durable ;