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CŒUR MAGNANIME

— « Plus qu’un peu, beaucoup » — répondit-elle. Et, mue par un sentiment de profonde tendresse et d’immense pitié, elle éleva jusqu’à ses lèvres virginales la main loyale qui s’était si généreusement offerte à elle et dans laquelle, sans hésiter, elle aurait placé son avenir et son bonheur, si, obéissant à la plus sublime allégation, elle n’avait résolu de marcher seule en ce monde, afin de se donner toute entière à la tâche que Rodrigue en mourant venait de lui confier.

Au contact de cette chaste caresse le jeune homme tressaillit. Alors attirant à lui l’idéale et angélique créature, il la pressa contre son cœur et sur ce front, où se reflétait encore l’exquise candeur de l’enfance, il déposa son premier et dernier baiser…

Dominé par l’âpre douleur, qui envahissait tout son être, sentant faiblir son courage, brusquement il s’enfuit…

Le bruit d’un sanglot vint frapper l’oreille d’Anne-Marie ; il se répercuta douloureusement jusque dans l’intime de son âme. « Noble ami, » murmura-t-elle, et elle pleura. »

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Cette amère déception fit au cœur de Michel Girard une profonde blessure. Elle ne fut complètement guérie que le jour où un amour plus fort et plus pur allait soudainement, en pleine jeunesse et en plein succès, le transformer en un serviteur de Dieu.

Au lendemain d’une brillante joute oratoire, où, comme toujours, il avait triomphé, le jeune avocat, vaincu à jamais par l’irrésistible beauté divine, échan-