Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
96
CŒUR MAGNANIME

déjà le droit de l’instruire, rivalisaient de soins et de tendresses envers l’enfant. La jeune mère ne vivait que pour le petit ange que le ciel venait de Lui donner. Ses pleurs s’étaient soudain taris, elle retrouvait tous ses sourires qu’elle prodiguait sans se lasser à son cher trésor. Quant à la vieille Léocadie, du jour où la petite Carmen fit son entrée dans la vie, elle désertait pour jamais ses « bas offices » et passait ses jours, et bien souvent ses nuits, auprès du berceau.

La fillette ressemblait étrangement à son père.

« Allons — disait le vieux praticien en désignant les grands yeux noirs du bébé, et les bruns cheveux qui déjà ornaient sa petite tête — ce sera une petite andalouse. » — « Ah pour ça non, m’sieu — protestait énergiquement Léocadie — c’est une p’tite canayenne, comme nous autres. » Et la brave « nurse » tout en berçant dans ses vieux bras tremblants la petite Carmen chantait en l’endormant de sa voix chevrotante :

« Brune et gentille est la huronne
Quand au village on peut la voir
Perles au col, mante mignonne
Et le cœur dans son grand œil noir :
Sa veine a du sang de ses pères,
Les maîtres du sol d’autrefois.
Vivent les huronnes si fières
De leurs guerriers, de leurs grands bois. »

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Dans son fanatique amour patriotique elle s’imaginait presque que le mignon petit être descendait en