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CŒUR MAGNANIME

VIII


Comme Rodrigue l’avait prédit, la petite Carmen ne devait pas jouir longtemps des caresses de sa mère. Odile commençait à se rendre compte de son état. Généreusement, et sans murmures, elle fit son sacrifice.

La maternité, les atteintes de la maladie, qu’à présent elle prévoyait sans espoir de guérison, et surtout le bienfaisant contact d’Anne-Marie éveillèrent dans l’âme de cette toute jeune femme des sentiments ignorés jusque là.

« Si je reviens à la santé — disait-elle dans les moments où elle se sentait un peu plus forte — je saurai mieux utiliser le temps que Dieu nous donne : je l’ai si mal employé ! mon existence jusqu’à ce jour a été bien futile ; c’est peut-être trop tard pour le reconnaître. Mais vous, grande sœur, vous m’aiderez à me transformer et vous m’initierez au sérieux de la vie. »

— « C’est déjà fait, ma petite Odile — répliquait sa douce belle-sœur, c’est à moi de vous ressembler ; vous êtes si résignée et si patiente dans vos souffrances. »

— « Il faut bien que je répare le temps perdu — reprenait la jeune malade — et s’il faut que je meure, je ne veux pas m’en aller les mains vides. J’essaye alors de suppléer à ma misère en recueillant quelques mérites. Mon plus grand sacrifice sera de laisser mon enfant. Chère petite Carmen — répétait-elle tristement,