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Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/97

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CŒUR MAGNANIME

en serrant contre son sein le doux petit ange — je ne te verrai pas grandir… Quand je ne serai plus, vous lui parlerez souvent de sa mère, n’est-ce pas, Anne-Marie ? de lui aussi… Comme il aurait été heureux et qu’il l’aurait aimée !… Elle lui ressemble tant ! J’espère que, selon son désir, elle aura votre beau caractère ; d’ailleurs c’est vous qui la formerez ; vous l’élèverez bien mieux que je n’aurais su le faire ; pourtant… Mais non, je me résigne, puisque Dieu le veut ! Vous veillerez sur mon trésor, vous l’aimerez comme je l’aurais aimée, vous me remplacerez et si un jour vous veniez à vous marier… »

Anne-Marie ne lui laissa pas achever sa pensée.

— « Ne vous tourmentez pas pour l’avenir, Odile ; mon dévoûment, ma vie, mon cœur appartiendront uniquement à Carmen : je ne me marierai jamais !

— « Mais c’est vous condamner à une sévère solitude, et vous êtes si jeune et si belle ! »

« — Dieu y pourvoira — répondit simplement la sublime jeune fille. »

Maintenant elle aimait Odile sans efforts ; elle la défendait désespérément contre la mort, qui déjà la couvrait de son ombre glacée ; hélas ! malgré ses soins et sa tendresse elle devait être vaincue…

La jeune femme vécut assez cependant pour contempler de ses yeux la grandiose beauté des hivers canadiens, que Rodrigue lui vantait si souvent, et voir, comme elle l’avait souhaité, le fleuve géant dans son sommeil hivernal.

« Que c’est beau — s’écriait-elle, étonnée et ravie, devant ce merveilleux spectacle si nouveau pour elle. »

Anne-Marie voulant sans doute détourner la pensée