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CONTES POPULAIRES EN ITALIE
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métaphorique ou, pour mieux dire, analytique que leur imposait la pensée enfantine de nos premiers ancêtres. Maintenant supposez-les reliées par des hommes qui en auraient oublié le sens : le mythe va naître spontanément, c’est-à-dire que les hommes, tourmentés du besoin d’inventer une explication pour ce qu’ils ne comprennent plus, vont, par une pente d’autant plus invincible qu’ils sont plus simples, composer une anecdote où tout cela sera relié. C’est l’effacement du sens primitif qui amène leur imagination à suppléer aux lacunes et à grouper en fable mythologique les éléments mythiques reliés. Plus tard, le mythe se transforme encore, et devient le conte populaire, qui en est en quelque sorte le dernier écho. Ce n’est plus cette production poétique à laquelle l’humanité supérieure avait part, mais, si l’on peut ainsi dire, c’est un résidu repétri par les plus simples, tels que les mères-grands et les nourrices. »

Remonter du conte au mythe et du mythe à l’élément mythique, tel est donc le travail d’une foule d’esprits ingénieux en France, où M. Gaston Paris, dans un petit livre tout plein de science, vient de démontrer comment une constellation, la grande Ourse, est devenue l’histoire du Petit Poucet.

Tout le monde n’a pas la mesure et la méthode de M. Gaston Paris, et quand la science est grossie, gonflée par l’imagination, ce qui lui arrive quelquefois, elle déborde et roule aux chimères. Le Veda est plein de mythes où le soleil et l’aurore reviennent à tout moment ; aussi ne voit-on partout que des soleils et des aurores. Si Cendrillon perd sa pantoufle, c’est que l’aurore, dans un hymne védique, était appelée « la fille sans pieds ou sans chaussures ; » si la Chatte blanche de Mme d’Aulnoy devient une