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CONTES POPULAIRES EN ITALIE
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glio de mauvais goût et qu’on admire aujourd’hui comme un chef-d’œuvre. Un des personnages de la pièce, nommé Barra, fait le récit suivant, que nous abrégeons :

Moi donc, qui ne suis pas si fort en rhétorique, je venais avant-hier de Nola par Pomigliano, seul et sans compagnie ; après avoir mangé, n’ayant pas trop envie de payer, je dis au maître de la taverne : — Messire hôte, je voudrais jouer — À quel jeu, dit-il, voulons-nous jouer ? J’ai ici un jeu de tarot, — Je répondis : À ce maudit jeu, je ne peux gagner, parce que j’ai une mémoire détestable — Il dit : J’ai des cartes ordinaires. — Je répondis : Elles sont peut être biseautées, et vous en reconnaîtrez les marques ; en avez-vous qui n’aient pas encore servi ? — Il répondit que non. — Donc, pensons à un autre jeu. — J’ai un tric-trac (le tavole), sais-tu ? — Je n’y entends rien. — J’ai des échecs, sais-tu ? — Ce jeu me ferait renier le Christ. — Alors la moutarde lui monta au nez : — À quel diable de jeu veux-tu donc jouer, toi ? Propose. »

Ici Barra propose différents jeux que nous n’indiquons pas parce qu’ils nécessiteraient des commentaires très longs et très inconvenants. Le tavernier se fâche, et le voyageur goguenard, après la boule, le mail, la toupie, offre enfin une partie de course.

« Or sus, dis-je, jouons à courir. — En voilà d’une bonne, dit-il ! — et j’ajoutai : (Je jure) par le sang de l’immaculée que tu y joueras. — Veux-tu bien faire ? dit-il. Paie-moi, et si tu ne veux pas aller avec Dieu, va avec le prieur des diables. — Je dis : (Je jure)... que tu joueras. — Et que je n’y jouerai pas, disait-il. — Et que tu joueras, dis-je. — Et que jamais, jamais je n’y jouerai ! — Et que tu y joueras à l’instant même ! — Et que je ne veux pas !