Page:Monod - Jules Michelet, 1875.djvu/41

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coce aurait pu, semble-t-il, étouffer dans leur fleur les facultés de l’enfant. Au contraire, pendant que ses mains assemblaient machinalement les lettres qui servaient à la composition de livres niais et insipides, son imagination prenait des ailes. Ce don merveilleux, qui devait plus tard, dans ses livres, rendre la vie aux cendres du passé et donner une âme et un cœur à la nature entière, s’éveillait en lui le premier. « Jamais, dit-il, je n’ai tant voyagé d’imagination que pendant que j’étais immobile à cette casse… Très-solitaire et très-libre, j’étais tout imaginatif » Il ne pouvait suivre d’instruction régulière ; le matin, avant le travail, il recevait quelques leçons de lecture d’un vieux libraire, ancien maître d’école, « homme de mœurs antiques, ardent révolutionnaire ». Il apprit de lui, sans doute, à admirer et presque à adorer la Révolution, qui depuis fut toujours à ses yeux la plus grande manifestation de la France dans l’histoire et comme la révélation de la justice. Deux ou trois livres faisaient sa seule lecture. L’un d’eux produisit en lui une impression extraordinaire, éveilla le sentiment