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Page:Monselet - Charles Monselet, sa vie, son œuvre, 1892.djvu/114

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CHARLES MONSELET


il qu’une fable imaginée par quelques désœuvrés feuilletonistes ?

Joël affirme cependant qu’il a vu l’Odéon !

Faut-il croire Joël ?


Dimanche. — Occupations houzétiques.

Le soir, je vais voir Henri IV au Cirque. Le Cirque est un très grand théâtre, Henri IV, un très grand mélodrame avec décors, le tout dans le genre des Mousquetaires. Quant aux acteurs, le meilleur ne vaut pas Ponnet. Juge !


Lundi. — Houzé vient me surprendre au lit. Ceci me rappelle certain chapitre de Lucien de Rubempré et de l’actrice Coralie recevant de la sorte le libraire Dauriat.

Du reste, j’enlace de plus en plus ledit Houzé.

Mais, grand Dieu ! viens donc à Paris. Certes, je suis un homme de tête, d’imagination, de conception, d’idées enfin, je pense des choses immenses, — mais pour cela il faut que tu viennes m’enfermer à clef ; il faut que, me cellulant et me piquant de mille épingles, tu me fasses accoucher tantôt d’une pièce de théâtre — en quinze jours ; tantôt d’un roman, en trois mois. Il faut que tu me garrottes à ma table de travail.

Je peux devenir riche pour deux. Mais il faut que tu sois là. Je sens, je vois, je crois que jamais époque ne fut plus favorable aux fortunes littéraires, et que par les triples portes du volume, du journal et du théâtre il y a de l’or qui coule incessamment.

Tu verras, ce ne sont pas des rêves. Il y a immensément à faire dans ce Paris, appréciable sous ce rapport. On s’y ruine, on s’y enrichit ; on y crève en six mois — un an. — Si tu viens et si tu entres dans mes idées, cela ira bien. Je suis une force, mais j’ai besoin d’un levier. Si tu ne viens pas, je cours risque de m’éteindre assez obscurément, comme un de ces héros de Balzac, hommes à parapluie, qui s’en vont bourgeoisement avec un monde dans la tête.