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SA VIE, SON ŒUVRE

les hardiesses de Victor Hugo, de Dumas et d’Alfred de Vigny ; — d’autre part une autre école, poussant plus avant l’étude du cœur humain, ne reculait devant aucune audace.

L’Académie française décerna un prix Montyon à la Gabrielle d’Émile Augier, mais le public porta aux nues la Dame aux Camélias, d’Alexandre Dumas fils.

Des deux côtés, des jeunes gens dans toute l’ardeur de la jeunesse, dans tout l’épanouissement de leur talent : Dumas n’avait que vingt-quatre ans quand il écrivit le roman de la Dame aux Camélias, Henri Mürger avait le môme âge quand il composa ses Scènes de la vie de Bohème.

Un fossé profond séparait encore davantage ces deux écoles : ceux qu’on appelait des « bohèmes » étaient des jeunes gens arrivés de leur province en sabots, généralement sans sou ni mailles, mais qu’une véritable vocation littéraire poussait à prendre rang parmi les gens de lettres et qui essayaient alors de vivre de leur plume.

Les disciples de « l’Ecole du bon sens » se recrutaient plutôt parmi les fils de famille : tôt mariés pour la plupart, bien rentés et pleins de correction, ils visaient davantage à plaire à la classe bourgeoise dont ils étaient issus.

Ceux-ci fréquentaient les salons et les revues ; ceux-là hantaient les cafés littéraires et descendaient même aux cabarets.

Mais la réaction tentée par « l’École du bon sens » fut de courte durée : les deux partis, guidés par le véritable bon sens d’une critique judicieuse, se rangèrent bientôt, sous une seule bannière, pour marcher au succès en commun.

Peu après l’on vit poindre le réalisme qu’avaient préparé Balzac et George Sand et que des écrivains comme Barbey d’Aurevilly, Gustave Flaubert, de Goncourt, Alphonse Daudet et Émile Zola pousseront à son extrême limite.

Entre ces deux époques, et à l’ombre même de ces deux écoles, un autre groupe put arriver à une célébrité secondaire,